Avis de Jacques Testard, Jean-Marie PELT, Jean-Pierre COUR.

Critiquant les rapports apologétiques des OGM commis par l’Académie des sciences et par l’Académie de médecine, Jacques Testard, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale pose quelques bonnes questions : "Combien, parmi les académiciens, savent qu’aucun assureur ne veut couvrir les risques de ces cultures ? Combien ont remarqué les entorses aux principes de l’expérimentation quand celle-ci a lieu en milieu ouvert (le champ) ? Combien connaissent la distance de dissémination des pollens ? Combien savent qu’aucun contrôle sanitaire conséquent n’a jamais été réalisé sur les consommateurs d’OGM, animaux ou humains ?" Bush a l’outrecuidance de justifier le développement planétaire des OGM pour permettre de résoudre les dramatiques problèmes d’alimentation, notamment en Afrique : "Pour le bien du continent menacé par la famine, j’exhorte les gouvernements européens à cesser de s’opposer à la biotechnologie. Nous devrions encourager la diffusion d’une biotechnologie sûre et efficace pour gagner la bataille contre la famine à l’échelle planétaire." Or ce développement des biotechnologies végétales et son complément juridique indissociable, le brevetage du vivant, ont pour but de concentrer dans quelques multinationales la maîtrise des semences utilisées par l’ensemble des paysans de la planète, au Nord comme au Sud, leur confisquant ainsi définitivement le droit de reproduire librement et sans royalties les variétés végétales de leur choix. Aux Etats-Unis, cinq firmes (par ordre d’importance Monsanto, le leader absolu, Aventis, Syngenta, DuPont et Dow), contrôlent près de 90 % des semences OGM, ainsi que les pesticides et herbicides qui leur sont associés.

Qui peut croire que ces multinationales ont comme préoccupation de résoudre ce dramatique problème de la faim dans le monde. Chacun sait que le sous-développement, la misère, la famine sont le fruit de siècles de pillage de ces pays par les puissances occidentales (esclavage, contrôle de l’exploitation des matières premières, échange inégal). Loin de résoudre le problème, les OGM vont au contraire soumettre les paysans du Sud à la dictature des multinationales céréalières, avec à la clé la destruction de la production agricole locale, déjà bien entamée au travers d’une concurrence inégale entre les produits agricoles du Nord, subventionnés par les Etats, et ceux du Sud.

Le refus des OGM, leur interdiction sont parties intégrantes de la lutte pour une agriculture durable, respectueuse des Hommes et de la Terre. Si nous refusons les OGM, c’est parce qu’ils sont un instrument décisif des partisans d’une agriculture productiviste dominée par quelques multinationales. Ce n’est pas une lutte obscurantiste contre le "progrès" mais au contraire la volonté de tourner la recherche agronomique et la production agricole vers la satisfaction des besoins alimentaires du plus grand nombre à l’échelle de la planète.

Rouge 2026 17/07/2003

 


OGM : Le mensonge

Jean-Marie PELT, fondateur de l'Institut Européen d'Ecologie à Metz

Les OGM (organismes génétiquement modifiés) concentrent, rien que sur leur sigle, l'ensemble des angoisses que nos contemporains portent sur le monde contemporain. En Lorraine, Jean-Marie Pelt, fondateur de l'Institut européen d'Ecologie et co-fondateur du CRII-GEN, porte accusation contre la légèreté du monde scientifique sur ce sujet. L'autorisation d'introduction des OGM en France ne reposerait, en fait, sur aucune étude scientifique.

Le Comité de recherche et d'information indépendante sur le génie génétique (Crii-gen), co-fondé par Jean-Marie Pelt vient de lancer un pavé dans la mare au sein du controversé dossier des OGM. Selon le Crii-gen et Ovale (Observatoire de vigilance et d'alerte écologique mis en place par l'ancien ministre de l'Environnement Corinne Lepage), le rapport de l'Académie de médecine sur les OGM n'existe pas. Ces chercheurs auraient découvert qu'il n'y a pas de rapport de l'Académie de médecine sur les OGM.

L'Observatoire, qui voulait analyser ce rapport, a cherché à se le procurer auprès de l'Académie de médecine. Corinne Lepage, co-fondatrice d'Ovale avec Michèle Rivasi, s'est vue répondre que le rapport n'existait pas et que seul un communiqué  avait été diffusé en décembre dernier ! Immédiatement, dans un communiqué, Ovale  et le Crii-gen s'étonnent d'un tel fonctionnement et considèrent qu'il s'agit là d'une supercherie qui n'est pas digne d'une institution aussi prestigieuse que l'Académie de médecine. "Du coup, le communiqué de cette dernière, déjà critiquable sur le fond, perd toute crédibilité" ajoute le Crii-gen.

Selon ce communiqué, l'Académie de médecine ne mettait en avant que les avantages économiques escomptés, au détriment de l'impact sanitaire. Le Crii-gen conclu : "On peut s'interroger sur les visées réelles d'un tel "avis", sachant qu'aucune étude sanitaire n'a pu confirmer ou infirmer une telle conclusion, qui donne le feu vert à  "une introduction et une production raisonnée" des OGM, selon cet avis qui n'en est pas un !".

On imagine la répercussion d'une telle découverte. Jean-Marie Pelt, scientifique et écrivain déclare : "Aujourd'hui, nous sommes dans l'urgence. Le temps des avertissements est passé. C'est une rude bataille contre l'argent... Le problème est qu'au lieu de jardiner la nature avec amour, nous l'exploitons. Ce n'est pas de l'avoir labourée un jour, c'est de l'avoir brutalisée. Mon pire cauchemar serait que les OGM soient tout d'un coup à l'origine d'une maladie virale dévastatrice, que personne n'avait prévue - aussi imprévue que la vache folle et le sida. Un agent pathogène redoutable dont on ne saurait se débarrasser et qui se répandrait à toute vitesse à travers la nature. Même les végétariens ne pourraient plus manger !

Quand je parle de ces questions avec des gens conscients, chacun partage l'avis qu'il faut remettre tout ça sur des rails pour réussir le siècle qui vient, grâce à la sensibilité des jeunes. Il est frappant de constater que même des jeunes sans préparation aucune sont archi-sensibles à la disparition des bosquets, des haies, des bois... C'est une rude bataille contre l'argent. C'est lui l'adversaire. L'argent est très puissant. Il pousse les hommes à exploiter violemment cette société qui consomme et consume en même temps. Par rapport à ça, il n'y a que la solidarité, l'amour de la terre et l'amour des hommes. Aujourd'hui, nous sommes dans l'urgence. Le temps des avertissements est passé. C'est le temps de la panique. La moitié des bulletins d'info sont consacrés à l'écologie. Nous sommes dans l'œil du cyclone. Une position très précaire !".


 

La standardisation des filières de production alimentaire détruit, on le découvre aujourd'hui, la saveur des aliments. Pour mieux comprendre l'ensemble des inquiétudes, il est à rappeler que selon leur définition, les OGM sont des organismes vivants dont le patrimoine génétique a été modifié. Le processus qui permet ces modifications s'appelle la transgenèse et consiste en l'insertion d'un ou plusieurs gènes provenant d'autres organismes.

Ces manipulations naquirent dans le monde de la médecine au début des années 1980 pour développer la synthèse de protéines encore impossibles à produire. Ensuite, ce fut au sein des élevages industriels qu'elle se développèrent afin d'obtenir des animaux plus résistants ou comportant un taux de graisse moins élevé. Par la suite, la méthodologie employée par la médecine et le monde des éleveurs s'est transportée dans le domaine de l'agronomie afin de produire des plantes toxiques pour certains animaux ou résistantes à certains virus et herbicides.

La chose peut sembler aller dans le sens d'une amélioration de la nature mais apparaît plus critiquables lorsque les entreprises qui produisent ces organismes génétiquement modifiés se les approprient pour en faire des marques déposées et, dès lors, en interdire la reproduction sans autorisation. Jean-Marie Pelt posait la question : "Au nom de quoi peut-on breveter le vivant ?". La question se pose lorsque des agriculteurs qui utilisent des semences génétiquement modifiées doivent obligatoirement les racheter l'année suivante parce que la première génération est stérile du fait d'une technique transgénique appelée "Terminator".

Actuellement, une dizaine d'entreprises essentiellement américaines se partagent 30% du marché mondial. La question se pose aussi dans la sphère éthique et dans le domaine religieux. Les OGM peuvent donc apparaître comme une menace pour notre écosystème même si elles permettent, par exemple, de réduire l'utilisation des insecticides. En effet, personne n'est actuellement capable de prévoir ce que donneront les croisements entre organismes naturels et les organismes génétiquement manipulés. Il pourrait s'ensuivre un appauvrissement, voire une modification radicale, de notre environnement. Ce qui signale aussi les créations du génie génétique est également leur vocation à se propager et se développer à une vitesse exponentielle.

Les craintes ne s'arrêtent pas là. La technique opératoire pour mener à bien la transgenèse oblige à de nombreuses modifications, lesquelles pourraient avoir un impact sur le monde du vivant. Ainsi, sur les bactéries et leur résistance (déjà fort développée) aux principaux antibiotiques. Et la liste des dangers potentiels est en constante élargissement. Alors qu'une dizaine d'OGM seulement étaient agréés en Europe, contre une cinquantaine aux USA la production est à nouveau autorisée par décision du Parlement européen depuis le 12 avril 2000. Un registre public recensant et localisant toutes ces cultures devait être, selon les textes européens, tenu à la disposition des citoyens. Pourtant, pour des raisons liées à une culture du secret, les préfectures refusent de donner l'implantation exacte de ces cultures. Dès lors, en cas de problème majeur, comment pourront être désigné les responsables juridiques et financiers ? La question reste posée.

Quand doit-on détruire une culture non OGM contaminée avec des OGM ? A partir de quel seuil et selon quels critères ? Au frais de qui sera fait cette destruction ? D'une façon générale, il est à noter que lorsque le mensonge ou la dissimulation devient une arme pour l'une des parties d'un conflit, cela pointe la faiblesse de l'argumentation de cette dernière et marque, souvent, les derniers feux du combat.

31 Janvier 2003 Jean-Pierre COUR

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